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Avocat Nantes La Roche sur Yon Paris

Le retrait de contenus sur Internet ne passe pas comme une lettre à la poste

Avocat e-réputationDans un jugement du 18 septembre 2024 (n°22/10502), le Tribunal judiciaire de Paris a examiné une demande de retrait de contenus sur Internet mentionnant la condamnation pénale d’une personne.

 

Contexte :

 

Le demandeur avait été déclaré coupable, en 2012, de plusieurs infractions pénales liées à ses pratiques professionnelles dans le domaine de vente et d’achat de collections de timbre.

En appel, seul un chef de condamnation avait finalement été retenu contre lui (entre autres).

La même année, il avait identifié un article posté sur un blog intitulé « Le crime ne paye pas, même en Philatélie », citant expressément son nom et faisant état de sa condamnation.

Il avait demandé à différentes entités de GOOGLE ainsi qu’à la CNIL de retirer l’accès à la page Internet concernée et de déréférencer son adresse URL, sans succès ; il a en conséquence engagé une action en justice.

 

Solution :

 

1/ Les demandes de déréférencement

 

Dans le cadre d’une action en déréférencement, le Tribunal rappelle que seules les demandes formées à l’encontre de la personne responsable du traitement au sens du RGPD sont susceptibles d’être recevables.

En l’occurrence, l’activité d’un moteur de recherche devant être qualifiée de traitement de données personnelles, l’exploitant du moteur de recherche Google (à savoir GOOGLE LLC) était la seule partie à l’encontre de laquelle l’action aurait dû être formée (les demandes formées contre notamment GOOGLE FRANCE ont été jugée irrecevables). Dans cette affaire, GOOGLE LLC était tout de même intervenue volontairement.

S’agissant ensuite de la demande de déréférencement à proprement parler, le Tribunal rappelle qu’une personne physique peut demander à un moteur de recherche de supprimer de la liste des résultats affichés après une recherche sur ses prénoms et noms, des liens vers des pages web contenant des données personnelles lui appartenant mais étant inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou pour lesquelles des motifs légitimes s’opposent au traitement.

Ce droit à la vie privée et à la protection des données doit toutefois se concilier avec les droits à la liberté d’expression et d’information, dans la recherche d’un juste équilibre prenant en compte l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à une information.

En l’espèce, le demandeur ne justifiait toutefois pas pour deux URL quelles données y auraient été accessibles et, pour l’URL restante, qu’elle figurait dans les résultats d’une recherche basée sur ses seuls nom et prénom, les extraits qu’il fournissait les montrant depuis des recherches effectuées à partir de mots clés supplémentaires (notamment son nom et prénom plus les termes « escroc » ou « timbre »).

Estimant que les règles propres au déréférencement doivent être appliquées de façon stricte, le Tribunal a donc rejeté les demandes à ce titre.

 

2/ Les demandes tendant à rendre inaccessible la page Internet

 

Le Tribunal relève dans un premier temps que le traitement des données contenues sur la page par Google, qui était également l’hébergeur du site, constitue une ingérence importante dans le droit fondamental du demandeur à voir protéger ses données ainsi que sa vie privée, compte tenu du caractère particulièrement sensible des informations pénales contenues dans ces données.

Il s’attache en conséquence à examiner si l’accès à cette page est strictement nécessaire à l’information du public, en tenant compte notamment de la nature et la gravité de l’infraction, du déroulement de la procédure mentionnée et du temps écoulé depuis.

Il relève ainsi que :

  • Les faits mentionnés dans l’article correspondent à ce qui est évoqué dans la décision du Tribunal correctionnel, tout comme les condamnations,
  • L’auteur de l’article avait alerté ses lecteurs sur le fait que la décision n’était pas définitive et qu’il convenait d’attendre l’issue du recours formé,
  • La page Internet est strictement nécessaire à l’information légitime d’un internaute intéressé par la philatélie et susceptible de recourir aux services du demandeur pour l’achat ou la vente de timbres,
  • La page ne concerne pas uniquement le demandeur, mais également d’autres personnes, dont sa société.

Le Tribunal déduit de l’ensemble de ces éléments qu’une mesure qui conduirait à rendre cette page totalement inaccessible constituerait une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression de l’auteur de l’article et au droit à l’information du public.

Les demandes tendant à rendre inaccessible la page Internet sont donc également rejetées.

En résumé, il ne suffit pas qu’un contenu sur Internet contienne des données personnelles, même ayant trait à des condamnations pénales, pour que l’on puisse le rendre inaccessible : doit en effet être recherché un équilibre entre les droits de la personne concernée et le droit à l’information du public.

 

Vous voulez plus d’informations sur ces sujets ? Des avocats e-réputation du cabinet sont à votre disposition.

 

 

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