Dans un jugement récent du 19 décembre 2024, le Tribunal judiciaire de Paris s’est prononcé sur la question de savoir si un personnage de film – et notamment le personnage d’Amélie Poulain déguisé en Zorro – était protégé par le droit d’auteur et si son emprunt manifeste pouvant être sanctionné.
Contexte : litige sur la protection ou non du personnage d’Amélie Poulain déguisé en Zorro
Dans cette affaire, la société ME GROUP FRANCE a diffusé lors d’une campagne publicitaire pour promouvoir ses cabines de photomaton, des images d’une femme masquée à la façon de Zorro dans un photomaton, prénommée « Amélie 2.0 ».
Considérant que cette utilisation représentait une exploitation non-autorisée du personnage d’Amélie Poulain déguisée en Zorro, une scène emblématique du film, et constituait une atteinte à leurs droits, les auteurs, scénaristes et réalisateurs de l’œuvre, ainsi que la société UGC IMAGES, productrice du film et titulaire des droits de distribution, ont engagé une action en justice contre la société ME GROUP FRANCE pour contrefaçon de droits d’auteur (portant sur le droit moral des scénaristes et les droits patrimoniaux de la société de production) ainsi qu’en parasitisme.
Solution : absence de protection par le droit d’auteur mais condamnation pour parasitisme
Le critère stricte de protection (originalité) par le droit d’auteur jugé non rempli
Le Tribunal judiciaire rappelle les critères d’éligibilité de toute œuvre, et notamment d’un personnage de fiction, à la protection par le droit d’auteur : le qualificatif d’œuvre est réservé à son caractère original. Pour déterminer si le personnage est protégeable, le juge doit vérifier que son auteur est parvenu à démontrer que l’empreinte de sa personnalité ressort des caractéristiques physiques du personnage, de ses attitudes comportementales, de ses caractéristiques propres et récurrentes, prises dans leur ensemble.
Dans cette affaire, les demandeurs dénonçaient la contrefaçon à la fois du personnage d’Amélie Poulain déguisé en Zorro et de l’adaptation non autorisée de la scène correspondante. Ils soutenaient leurs prétentions en affirmant que le personnage d’Amélie Poulain et son univers possèdent une originalité propre, notamment par son apparence physique, les traits distinctifs de son visage, son déguisement, ainsi que l’ambiance unique des cabines photographiques.
Après analyse, les juges ont retenu les arguments de la défenderesse, estimant que les critères requis pour bénéficier de la protection du droit d’auteur ne sont pas remplis dans ce cas précis. Selon eux, le personnage d’Amélie Poulain incarne une jeune femme ordinaire sans attributs reconnaissables spécifiques, et les éléments du déguisement, tels que le chapeau et le masque, ne constituent pas des caractéristiques permanentes du personnage.
Le Tribunal en déduit donc que le personnage d’Amélie Poulain déguisé en Zorro est dépourvu de caractère original, de sorte que ce personnage n’est pas éligible à la protection par le droit d’auteur et déboute donc les demandeurs sur le terrain de la contrefaçon.
La condamnation sur le terrain du parasitisme
Le parasitisme se définit comme le fait de tirer un avantage injustifié des efforts, du savoir-faire, de la réputation ou des investissements d’un tiers en s’appuyant sur son succès.
En l’espèce, les juges ont constaté que la campagne publicitaire reprenait l’image d’une femme brune masquée à la manière de Zorro, posant dans une cabine photomaton. La campagne revendiquait explicitement son inspiration tirée du film en attribuant au personnage le nom « Amélie 2.0 » et en mentionnant directement le film comme référence sur son site internet.
Ils en déduisent que la défenderesse s’est placée délibérément dans le sillage des demandeurs et a tiré indûment profit de la notoriété du film et de son héroïne dans cette scène en particulier. Le Tribunal condamne donc la société à dédommager les demandeurs pour le préjudice moral et le préjudice économique causé.
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