Dans un arrêt du 11 septembre 2024 (n°22/10609), la Cour d’appel de Paris a rendu une nouvelle décision sur des allégations trompeuses apposées sur des produits et concernant un prétendu brevet.
Contexte : des accusations mutuelles de comportements déloyaux
Le litige opposait deux sociétés commercialisant en France des pastilles de désinfection de l’eau.
L’une d’entre elles s’était vue attribuer un marché public par l’armée française à plusieurs reprises. L’autre lui reprochait de mettre en avant des propriétés mensongères de ses produits (tant en termes de dosage que d’efficacité contre des infections parasitaires).
Une action avait en conséquence été engagée devant le Tribunal de commerce de Paris.
Ce dernier l’ayant déboutée de ses demandes, la société demanderesse a formé appel, donnant lieu à la présente décision.
De manière reconventionnelle, la défenderesse soulevait notamment le fait que la demanderesse mettait en avant sur son site Internet et sur l’emballage de ses produits plusieurs informations qu’elle estimait déloyales.
Solution : des informations non trompeuses sur les produits mais sur l’existence prétendue d’un brevet
Une démonstration insuffisante de la déloyauté de la défenderesse
La société demanderesse reprochait tout d’abord, sur le fondement de pratiques déloyales et trompeuses, aux pastilles de sa concurrente de contenir en réalité un grammage de principe actif supérieur à celui indiqué, ce qu’elle estimait en sus dangereux pour la santé.
La Cour d’appel a toutefois relevé que la demanderesse ne démontrait pas une pratique de sa concurrente contraire à la diligence professionnelle quant à la quantité incriminée de principe actif, notant à cet égard que les rapports invoqués provenaient de son propre fournisseur et fabricant. Elle retient également qu’il n’est pas justifié de la dangerosité de la quantité de principe actif en cause ni de ce que la mention querellée aurait altéré substantiellement le comportement du consommateur concerné, à savoir l’administration des armées, puisque cette dernière ne s’était pas contentée des informations données mais avait analysé des échantillons des produits.
La société en question reprochait également à sa concurrente de mettre en avant une prétendue efficacité de ses pastilles contre des infections parasitaires alors, selon elle, que des études de l’OMS aurait démontré l’inefficacité de l’utilisation des principes actifs en cause contre celles-ci. En défense, une autre étude disant l’inverse était soumise aux débats.
Là encore toutefois, la Cour d’appel a considéré que la demanderesse échouait à démontrer en quoi son grief aurait constitué un manquement à une diligence professionnelle entraînant une altération substantielle du comportement du consommateur. Elle a également souligné qu’il ne lui appartenait pas de trancher les débats scientifiques sur le sujet.
La concurrence déloyale retenue à titre reconventionnel pour des allégations trompeuses du demandeur
En retour, la société défenderesse soulevait des agissements déloyaux et parasitaires de la part de la demanderesse.
La cour d’appel a tout d’abord considéré que ne caractérisaient pas des manquements mensongers ou des comportements déloyaux l’absence de certains pictogrammes sur les produits (présents sur leur emballage et notice) ni le fait de se prévaloir d’une autorisation obtenue par le Conseil supérieur d’hygiène publique en 1993, même si cet organisme ne délivre plus cette autorisation.
En revanche, est considéré comme déloyal le fait de faire référence, sur son site Internet, à un agrément de la Direction générale de la santé alors qu’il n’existe pas d’autorisation spécifique de cet organisme pour les comprimés en question.
De même, faire mentionner sur la fiche technique de ses produits « formule brevetée », sans justifier ni alléguer être détenteur ou licencié d’un brevet pour ledit produit, est considéré comme fautif, car une telle mention est un gage indu d’innovation et d’efficacité (cette solution est classique, et la cour d’appel de Paris avait déjà statué dans le même sens en 2022).
La Cour d’appel rappelle également que se prévaloir indument de la qualité de propriétaire d’un brevet peut donner lieu au paiement d’une amende spécifique prévue par le code de la propriété intellectuelle.
C’est donc finalement la demanderesse qui se voit condamnée à un retrait des produits portant les mentions incriminées et à un ajustement de son site Internet, sans toutefois devoir verser d’indemnité.
En résumé, il est déloyal de se prévaloir d’un brevet inexistant, puisque cela revient à tromper les consommateurs sur le caractère innovant de son produit.
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