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Avocat Nantes La Roche sur Yon Paris

Droit sui generis du producteur de base de données : Méta n’a pas les bases

Base de donnéesDans un arrêt du 1er mars 2024 (n° 23/10396), la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la caractérisation des critères d’accès à la protection qu’offre le droit sui generis du producteur de bases de données.

 

Contexte : une reprise de données des réseaux sociaux Facebook et Instagram

 

Les réseaux sociaux Facebook et Instagram sont respectivement détenus par les sociétés de droit américain Meta Platforms Inc. et Instagram LLC et leurs services sont exploités en Europe par Meta Platforms Ireland.

La société The Phantom Company, quant à elle, conçoit, exploite et offre à la vente des logiciels d’extraction de données et de publication automatique de contenus, notamment sur les réseaux Facebook et Instagram.

Or, après ordonnance rendue sur requête, les deux sociétés américaines et la société irlandaise ont procédé, le 29 novembre 2022, à des opérations de saisie-contrefaçon dans les bureaux de la société Phantom, motif étant pris, notamment, que cette dernière porterait atteinte à leur droit sui generis de producteur de base de données.

Le 26 décembre suivant, la société Phantom a assigné en référé les trois sociétés à l’initiative de la saisie-contrefaçon dont elle a fait l’objet, aux fins d’obtenir la mainlevée des opérations effectuées au titre de cette saisie et la rétractation de l’ordonnance l’ayant autorisée. Ces demandes ont été rejetées par l’ordonnance de référé.

Dès lors, la société Phantom interjette appel de cette décision, en faisant notamment valoir que les intimés étaient irrecevables à agir sur le fondement du droit sui generis du producteur des bases de données.

 

Solution : la protection par le droit des producteurs de bases de données est subordonnée à un rattachement à l’UE et à la preuve d’un investissement

 

Les deux sociétés américaines sont irrecevables à agir faute d’avoir la qualité de ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, ou d’y exercer leur activité

 

Alors que l’article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle pose le principe de la protection du producteur d’une base de données, l’article L. 341-2 du même code limite le bénéfice de cette protection à deux catégories de personnes :

1) Celles qui ressortissent d’un Etat membre de l’Union européenne, ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou qui ont leur résidence habituelle dans un tel Etat ;

2) Celles qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur établissement principal à l’intérieur de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Forte de ce texte, la société appelante demandait à la Cour d’appel de déclarer irrecevables les deux sociétés américaines à agir sur le fondement du droit sui generis du producteur de bases de données.

Ce moyen, qui ne souffrait guère la contestation, n’a même pas été discuté par les sociétés intimées. La Cour l’a avalisé dans un considérant aussi laconique que lapidaire en affirmant que : « En application de l’article L. 341-2 suscité, il convient de déclarer irrecevables à agir sur le fondement du droit suis generis du producteur de bases de données les deux sociétés américaines n’ayant ni leur siège social, ni leurs activités dans un Etat de l’Union Européenne ».

 

La société irlandaise est irrecevable à agir faute de démontrer sa qualité de producteur de base de données

 

Restait toujours la société irlandaise, qui semblait, à première vue, plus susceptible de voir ses demandes prospérer. C’est ici la qualité même de producteur de base de données qui lui a été refusée.

La société appelante invoquait ici l’article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose en son premier alinéa que : « Le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ».

Il appartenait donc à la la société irlandaise de démontrer en quoi elle avait : « pris l’initiative et le risque d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel pour la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données » (cf. pour plus de détails notre fiche pratique sur les « Comment protéger une base de données ? »)

Pour prouver son rôle de producteur de la base de données en question, la société irlandaise n’a présenté que deux documents : un examen des indicateurs clés de performance, portant sur le chiffre d’affaires, le coût des ventes et les dépenses administratives, et une attestation de son directeur affirmant que l’entreprise réalise des investissements financiers et matériels importants pour fournir les services de Facebook et Instagram en Europe.

Face à cette pauvreté probatoire, la Cour d’appel de Paris refuse également la qualification de producteur de base de données à la société irlandaise.

Partant, la Cour d’appel de Paris fait droit aux demandes de la société appelante et ordonne la mainlevée des opérations de saisie-contrefaçon.

Besoin d’approfondir le sujet ? Un avocat en droit des bases de données du Cabinet est à votre disposition.

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