Par une décision du 22 mars 2023, le Tribunal de l’Union Européenne a été amené à se positionner sur la protection par le droit des dessins et modèles d’un consommable.
Contexte : une demande en nullité d’un dessin portant sur une pièce consommable
Une société est titulaire d’un dessin communautaire déposé pour un électrode, destiné à alimenter la torche d’un système de coupage au plasma.
Une seconde société a formé une demande de nullité de ce dessin auprès de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO, équivalent européen de l’INPI), admise par la division d’annulation avant d’être rejetée par la chambre de recours.
Au cœur du débat se trouvait la question de savoir si l’électrode devait être considéré comme une pièce d’un produit complexe. Le sujet est d’importance car un dessin ou modèle portant sur un produit constituant une pièce de produit complexe n’est protégeable qu’à deux conditions supplémentaires, outre sa nouveauté et son caractère propre (article 4 du Règlement communautaire n°6/2002, transposé en droit français à l’article L.511-5 du Code de la propriété intellectuelle) :
- Que la pièce reste visible, une fois incorporée dans le produit complexe, pendant l’utilisation normale du produit par l’utilisateur, cette « utilisation normale» n’incluant pas l’entretien ou la réparation ;
- Que les caractéristiques visibles de la pièce répondent également aux conditions de nouveauté et de caractère propre.
Le demandeur à la nullité soutenait ici que l’électrode était une pièce de la torche, et qu’en conséquence ce régime plus strict s’appliquait ; le titulaire du dessin, rejoint en ce sens par la chambre de recours, estimait que l’électrode ne répondait pas à la notion de pièce de produit complexe.
Solution : le consommable est un produit à part entière et non une pièce d’un produit complexe
Le Tribunal de l’Union Européenne, dans une décision très factuelle, reprend et valide quatre séries d’arguments retenus par la chambre de recours pour considérer que l’électrode objet du dessin litigieux n’était pas une pièce de produit complexe.
Le consommable est par nature distinct du produit principal
L’un des points les plus intéressants – et transposables – de cette décision tient au caractère consommable de l’électrode, qui alimentait la torche pour quelques heures de fonctionnement (au même titre qu’une pile pour un appareil électronique par exemple).
Le Tribunal de l’Union Européenne relève ainsi qu’un produit consommable ne peut, par définition, pas avoir de lien solide et durable avec le produit complexe mais devra au contraire être acheté et remplacé régulièrement, ce qui constitue un critère pertinent pour écarter la notion de pièce de produit complexe.
Le Tribunal ajoute que, en raison de ce caractère consommable, l’utilisateur sera amené à acheter régulièrement de nouveaux électrodes et sera donc facilement en mesure de percevoir et d’apprécier ses caractéristiques.
Les autres critères retenus pour écarter la notion de pièce de produit complexe
Outre le caractère consommable de l’électrode, le Tribunal considère que les éléments suivants, retenus par la chambre de recours, étaient pertinents pour considérer qu’il ne s’agissait pas là d’une pièce de produit complexe :
- L’électrode pouvait être remplacé sans avoir à opérer un véritable démontage/remontage de la torche, un produit spécifiquement conçu pour être remplacé de manière simple et régulière étant moins susceptible d’être une pièce de produit complexe,
- La torche était proposée sur le marché de manière indépendante de l’électrode, cette dernière faisant couramment l’objet d’une publicité et d’une vente séparément, alors qu’il est inhabituel que l’achat d’un produit complexe n’inclut pas l’ensemble de ses pièces,
- L’électrode pouvait être utilisé dans différentes torches, et d’autres électrodes pouvaient être utilisés à sa place dans la torche en cause.
En résumé, il ne suffit pas qu’un produit soit destiné à être utilisé conjointement à un autre pour qu’il devienne une pièce de produit complexe.
En application de cette décision, les produits consommables devraient donc désormais pouvoir assez facilement sortir du giron de cette définition.
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