Dans un arrêt du 23 octobre 2024, le Tribunal de l’Union européenne s’est prononcé sur le recours d’un titulaire de dessin et modèle contre la décision d’annulation de ce dernier par la chambre de recours de l’EUIPO.
Contexte : une demande de nullité d’un modèle portant sur des marquages au sol
Une société avait présenté devant la division d’annulation de l’EUIPO une demande de nullité d’un modèle communautaire de marquages au sol, motif pris d’une incohérence dans les représentations et les vues du modèle déposé. En effet, le modèle était représenté en quatre vues prises sous des angles différents et selon la société demanderesse il n’était pas possible d’identifier de façon non équivoque l’objet de la protection :
La division d’annulation n’a pas accueilli cette demande, considérant qu’il y avait unicité du modèle et que les représentations fournies étaient tout à fait cohérentes (en plus de la nouveauté et du caractère individuel qui étaient aussi contestés).
La société demanderesse a alors formé un recours devant la chambre de recours qui a remis en cause la décision et conclu que le modèle devait être déclaré nul car il ressortait des représentations transmises qu’il y avait au moins deux modèles différents.
La société titulaire du modèle a donc formé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne qui a été saisi de la question de savoir si les représentations permettaient bien d’identifier de manière non équivoque l’objet de la protection.
Solution : nullité du modèle en raison de l’impossibilité d’identifier l’objet de la protection
Nullité du modèle en raison de l’incohérence insoluble entre les différentes vues
Pour mémoire, la représentation d’un dessin ou modèle dont l’enregistrement est demandé doit permettre d’identifier clairement ce dessin ou modèle, objet de la protection visée par cette demande. En d’autres termes, les vues qui constituent la représentation dans son ensemble doivent montrer l’apparence d’un produit unique.
En l’espèce, le modèle était composé de quatre vues et le Tribunal fait une analyse très concrète reprenant les vues les unes après les autres. Une première incohérence a été relevée concernant les vues 1.1 et 1.2. Selon le tribunal il était difficile de considérer qu’elles appartiennent au même objet dès lors que les lignes de contours étaient visibles au 1.2 et pas au 1.1. Vient s’ajouter à cela les différentes nuances de gris du cadre qui, en l’absence de source lumineuse, ne s’expliquaient pas uniquement par la différence de perspective : les vues 1.3 et 1.4 présentaient donc également une incohérence insoluble ne permettant pas d’affirmer qu’elles appartiennent au même objet.
Le Tribunal a conclu que « les vues 1.1 et 1.2 ainsi que les vues 1.3 et 1.4 ne montrent pas un dessin ou modèle unitaire, de sorte que le dessin ou modèle contesté a été inscrit au registre de l’EUIPO en violation de l’article 3, a, du règlement no 6/2002. » (point 70) et a rejeté le recours.
L’inexistence d’un principe d’interprétation favorable au déposant
En défense, la requérante soutenait notamment que la chambre de recours aurait dû tenir compte d’un principe d’interprétation favorable au déposant et titulaire du dessin ou modèle communautaire enregistré.
Le Tribunal rappelle à cette occasion que « même à supposer que l’examinateur ait décidé, lors de la procédure d’enregistrement, d’enregistrer le dessin ou modèle contesté, cette position ne lie pas la chambre de recours » cela même si l’office était tenu de vérifier que les vues présentaient une unicité du modèle.
De plus, « rien dans le règlement n° 6/2002 ne commande un principe d’interprétation favorable au déposant d’une demande de dessin ou modèle communautaire enregistré dans le cadre d’une procédure d’examen ni au titulaire d’un tel dessin ou modèle dans le cadre d’une procédure en nullité, comme en l’espèce ».
Cet arrêt nous rappelle la nécessité d’être particulièrement attentif lors du choix des vues pour représenter les modèles lors du dépôt. L’examen formel ne repère pas toujours les incohérences.
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