Système de cybersurveillance non déclaré à la CNIL : illicéité de la preuve

RéclamationsToute personne collectant des données personnelles doit, au préalable, effectuer une déclaration auprès de la CNIL. A défaut, tout élément de preuve basé sur les données recueillies par un tel traitement est illicite et doit être écarté des débats.

 

La cybersurveillance au sein des entreprises est de plus en plus répandue, l’objectif étant notamment, pour les employeurs, de s’assurer de l’usage normal par les salariés des moyens informatiques mis à leur disposition (messagerie et réseau Internet). Si la mise en place de systèmes de traitement automatisé d’informations personnelles édités à ces fins est licite, une déclaration préalable auprès de la CNIL est obligatoire.
En l’espèce, une société a constaté, par le biais de son système de traitement, que l’un de ses salariés faisait un usage anormal de sa messagerie électronique à des fins personnelles. Se prévalant des données ainsi recueillies, elle a procédé au licenciement du salarié.

Cependant, le système de traitement concerné n’avait pas fait l’objet de déclaration auprès de la CNIL à l’époque des faits justifiant le licenciement. Se posait donc la question de savoir si les données recueillies par le biais d’un système licite mais non déclaré à la CNIL pouvaient être admises à titre de preuve.
Censurant la Cour d’Appel, la Cour de Cassation a, par un arrêt en date du 8 octobre 2014, indiqué que le système concerné n’ayant pas été préalablement déclaré à la CNIL, la preuve basée sur ce dernier était illicite et devait, en conséquence, être rejetée des débats.

Entreprise, pensez donc, lors de la mise en place de moyens de cybersurveillance des salariés, à effectuer votre déclaration auprès de la CNIL afin de pouvoir les rendre effectifs. Il conviendra également de ne pas omettre de rendre ce dispositif opposable à vos salariés en le portant à leur connaissance.

Licences creative commons : l’esprit y est… Quid du droit ?

Avocat droit d'auteurL’exploitation des œuvres de l’esprit, notamment du fait des nouveaux modes d’appropriation liés à leur diffusion sur Internet, a été transformée depuis plusieurs décennies.

Forte de ce constat, « Creative Commons », association à but non lucratif d’origine américaine visant à favoriser le partage et l’utilisation de la créativité et des connaissances, a développé des « outils juridiques gratuits » censés accompagner les nouveaux usages de création à l’heure du numérique. Dans ce cadre, elle met à disposition des titulaires de droits six licences présentant des autorisations à l’attention des tiers désireux d’utiliser leurs œuvres. Selon le périmètre d’exploitation qu’il souhaite accorder, le titulaire de droits sur l’œuvre va ainsi exercer un panachage entre différentes options permettant aux tiers de :

• la diffuser, de façon commerciale ou non,
• la modifier ou non,
• demander à ce que l’œuvre dérivée soit diffusée selon la même licence « Creative Common ».

Par principe, le système proposé par cette association bouleverse notre système juridique actuel en matière de droits d’auteur. Il met en place certaines autorisations, plus ou moins large selon la licence choisie, au profit de tiers alors qu’a contrario le droit français est un droit prohibitif, c’est-à-dire que tout tiers souhaitant exploiter une œuvre doit, au préalable, obtenir l’autorisation de l’auteur (sauf à s’inscrire dans le cadre restreint des exceptions au droit d’auteur). Ce système alternatif séduit car il présente des avantages indéniables : sa gratuité, sa simplicité avec un choix de six licences, la simplification des relations auteurs/utilisateurs-exploitants et surtout la possibilité de mise en place d’un système de recherche d’œuvres diffusées sous Creative Commons par apposition d’un tag « CC » qui permet une interrogation sur métadonnées à partir d’un moteur de recherche par exemple.

Sur son site Internet officiel, l’association se targue d’avoir créé ses outils en association « avec des experts du droit d’auteur dans le monde entier pour s’assurer que [ces] licences sont juridiquement solides, applicables à l’échelle mondiale et répondre aux besoins de [ses] utilisateurs » et que « les licences Creative Commons ont été adaptées au droit français par des juristes et respectent les exigences de la loi française ». Par souci de précaution toutefois, et sûrement conseillée par ces mêmes experts, l’association met en garde les utilisateurs desdites licences au début de chacune d’entre elles avec la mention « l’association n’est pas un cabinet d’avocats et ne fournit pas de services juridiques ou de conseils juridiques (…) Creative Commons décline toute responsabilité pour les dommages résultant de leur utilisation dans la mesure du possible ».

Ainsi, elles sont utilisées par des sociétés importantes comme l’indique l’association sur son site officiel (Wikipedia, Flickr, Google) mais également par des collectivités locales de premier plan, pour des projets artistiques en collaboration entre des artistes et des écoles par exemple.

Le succès dont bénéficient ces licences invite à s’interroger sur leur validité en droit français, et ce d’autant plus qu’à ce jour, elles n’ont encore jamais été mises à l’épreuve des tribunaux français. Ainsi qu’en serait-il, par exemple, si l’auteur d’une œuvre diffusée sous Creative Common autorisant sa modification, était mécontent de l’usage fait de son œuvre et décidait donc d’attaquer en contrefaçon le tiers ayant modifié son œuvre, en contestant la validité de ladite licence ?

Bien que le Code de la propriété intellectuelle ne traite pas explicitement des contrats de licence, il exige à peine de nullité que les contrats de cession de droits visent très précisément les droits cédés ainsi que les modes d’exploitation autorisés mais également l’étendue et la destination de la cession. Par essence, ces éléments sont définis de manière large et générale au sein des « Creative Commons » loin du formalisme important du droit d’auteur français.

Pour l’instant, la seule réponse donnée par l’association Creative Commons dans l’hypothèse d’une utilisation de l’œuvre qui déplairait au titulaire de droits initial est pour le moins ambigüe : « Toute réutilisation et modification de votre œuvre doit respecter vos droits moraux. Si une utilisation vous déplaît, vous pouvez demander à ce que votre nom ne soit plus associé à l’œuvre collective ou dérivée qui reprend votre œuvre. Il se peut cependant que certains exemplaires continuent à circuler tels quels », ce qui bien sûr n’est pas une solution satisfaisante…

Précisons enfin que les droits sont concédés sans aucune garantie, ce qui signifie par exemple que si l’œuvre concernée devait se révéler contrefaisante, le licencié pourrait voir sa responsabilité engagée sans recours vis-à-vis de l’auteur apparent, donneur de licence.

En conclusion, si l’esprit de ces licences reste intéressant dans la mesure où il sensibilise les artistes à définir les conditions d’exploitation de leurs œuvres, leur utilisation doit, au regard de ce qui précède, être faite avec la plus grande précaution et en ayant conscience de leur fragilité juridique.
Les agences de communication et autres agences web devront donc y avoir recours en informant précisément leurs clients sur ce sujet.

Dépôt frauduleux un jour, revendication en retour !

Avocat droit des MarquesUne marque déposée en fraude des droits d’un tiers peut faire l’objet d’une action en revendication par le tiers lésé démontrant l’intention frauduleuse du déposant.
En l’espèce, deux personnes étaient en pourparlers pour la création d’une école de cuisine dont la dénomination avait été arrêtée. Lors de ces pourparlers, l’une des personnes a décidé de déposer, en son nom propre, la marque choisie pour l’activité concernée. Les discussions n’ont finalement pas abouti.

Le déposant a par la suite fait l’objet d’une action en revendication de la part de la personne avec laquelle il était en négociation, arguant du caractère frauduleux du dépôt opéré.
Après avoir rappelé que le succès de l’action en revendication repose sur la preuve de l’intention de nuire du déposant à la date du dépôt en rapportant « la preuve de l’existence d’intérêts sciemment méconnus par le déposant », les juges ont fait droit à l’action en revendication. En effet, ils ont considéré que le dépôt, au nom de l’un seuls des deux partenaires, lors des pourparlers, apportait la preuve de l’intention frauduleuse dans la mesure où, dans le cadre du projet commun, la marque aurait dû être déposée au nom de la société en cours de formation ou, a minima, au nom des deux personnes en pourparlers.

Titulaire d’une marque… Pour rien !

Avocat droit des marques NantesIl est souvent tentant, d’un point de vue marketing, lorsque l’on choisit une marque, de retenir un nom descriptif des produits et/ou services pour lesquels elle sera utilisée. Toutefois, un tel choix limite, voire annihile, la portée de la protection de la marque concernée.

 

En témoigne notamment un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 3 avril 2014. Il était en effet question de savoir si la marque « L’ONGLERIE », déposée pour des produits et services dans le domaine de la cosmétique et de la beauté, remplissait la condition de distinctivité.
Les juges ont tout d’abord refusé de prononcer la nullité de cette marque pour défaut de distinctivité, considérant que la partie semi-figurative de cette marque suffisait à lui conférer une distinctivité suffisante. Tout semblait donc bien commencer pour le titulaire de cette marque. La suite de la décision est cependant moins favorable.
En effet, les juges ont considéré que le nom « L’ONGLERIE » signifie nécessairement « un endroit où s’exerce une activité relative aux ongles et en l’espèce des services de soins de beauté des ongles. Le public pertinent en l’espèce majoritairement des femmes consommatrices de cosmétiques comprendra ce terme pour l’activité qu’il recouvre […] ». Et de conclure que la partie nominale « L’ONGLERIE » « est totalement descriptive pour désigner l’activité couverte par les services visés au dépôt ». Partant de là, les juges ont considéré que l’usage par un tiers du seul terme « l’onglerie » n’était pas contrefaisant sans la reprise des éléments figuratifs.
Voilà donc une société titulaire d’une marque… pour rien car trop descriptive.

Nouvelles conditions générales : comment les rendre opposables ?

avocat contrat informatiqueLa société FREE a procédé en avril 2011 à une modification de ses conditions générales de vente et a envoyé un courriel en ce sens à ses abonnés. Le courriel faisait mention de la modification des conditions générales sans pour autant en détailler la teneur, et invitait les clients à consulter un document explicatif sur leur interface personnalisée. Sur ce document était notamment indiqué que les clients pouvaient résilier leur contrat dans les quatre mois suivants la modification pour que cette dernière ne leur soit pas applicable.

 

L’un des clients a résilié son abonnement plus de quatre mois après l’entrée en vigueur des modifications. Conformément à ses nouvelles conditions tarifaires, la société FREE a facturé à ce dernier des indemnités de résiliation. Contestant le paiement de ces indemnités, le client concerné a saisi la juridiction de proximité afin que FREE soit condamné à lui rembourser les frais de résiliation.
Le 2 juillet 2014, la Cour de Cassation, confirmant le jugement rendu en première instance, a condamné la société FREE au remboursement desdites indemnités, estimant que la modification contractuelle opérée par FREE n’était pas opposable à ses clients, au motif que le courriel envoyé ne permettait pas à ses clients, sauf à ce que ces derniers effectuent des recherches sur leur interface, de comprendre qu’ils pouvaient mettre fin à leur contrat dans les quatre mois suivant la modification des conditions générales.

En conclusion et afin de s’assurer de l’opposabilité des conditions générales, il convient de communiquer au client un document leur précisant explicitement la teneur des modifications et le délai dont disposent ces derniers afin de résilier leur contrat s’ils ne souhaitent pas être liés par les nouvelles conditions.