Contrefaçon de marque : comment réagir ?

Avocat droit des marques NantesVous constatez qu’une autre entreprise utilise un nom similaire au vôtre pour une activité identique ou sur un marché proche, ce qui pourrait semer la confusion auprès de vos clients et prospects. Vous vous demandez alors si vous avez les moyens d’intervenir pour protéger votre identité et garantir l’exclusivité de votre nom. Dans ce contexte, le droit des marques peut offrir une réponse adaptée.

 

Une marque, qu’est-ce que c’est ?

 

Une marque est un titre de propriété industrielle qui a pour fonction essentielle de protéger tout signe utilisé pour indiquer, aux consommateurs, l’origine des produits qu’ils sont susceptibles d’acheter.

Contrairement à d’autres droits de propriété intellectuelle, notamment les droits d’auteur, une marque n’existe qu’à partir du moment où elle est déposée auprès d’un office (en France, il s’agira de l’Institut National de la Propriété Industrielle).

Une marque est toujours composée d’un signe (un nom ou un logo par exemple) ainsi que d’une liste de produits et/ou de services qu’elle vise, qui correspondront à l’ensemble des activités pour lesquelles son titulaire envisage d’utiliser sa marque.

 

Le droit sur la marque nait à compter du dépôt

 

Avoir déposé une marque ne signifie pas que l’on peut empêcher tout usage par un tiers d’un signe se rapprochant de celui que nous avons souhaité protéger.

Ainsi, il faut tout d’abord garder en tête qu’une marque est un droit qui n’existe qu’à compter de son dépôt : si un tiers utilisait le même nom que vous avant que vous ne l’ayez déposé, vous ne serez pas en mesure de l’empêcher de continuer cet usage.

Pire, ce tiers pourrait potentiellement venir menacer la validité de votre propre marque, puisqu’en principe une marque peut être annulée si elle porte atteinte à des droits antérieurs de personnes tierces (d’autres marques, mais également une dénomination sociale).

De la même façon, une marque est protégée pour une durée de dix ans (renouvelables, autant de fois qu’on le souhaite) : attention donc à ne pas laisser expirer sa marque, car cela entraine une perte de la protection pour tous les actes qui seraient ensuite commis par des tiers.

 

Le droit sur une marque est un droit territorial

 

Une marque est également un droit à portée territoriale : sa protection est limitée au territoire où elle a été déposée. Par exemple, une marque enregistrée en France ne protège qu’en cas d’utilisation d’un signe similaire sur le territoire français. Cependant, il est possible d’étendre cette protection à plusieurs pays simultanément. Une marque de l’Union européenne couvre l’ensemble des États membres, tandis qu’une marque internationale permet de sélectionner les pays où elle sera enregistrée.

Par ailleurs, la protection d’une marque est liée à une activité spécifique, définie par les produits et services qu’elle désigne. Par exemple, une marque enregistrée pour des chaussures pourrait interdire l’utilisation d’un signe similaire pour des chaussettes, mais elle ne pourrait pas empêcher une autre entreprise de l’utiliser pour des produits alimentaires.

 

Quand y a-t-il contrefaçon de marque ?

 

Une marque permet d’interdire à un tiers d’utiliser un signe similaire ou identique à la marque, pour des produits et/ou services identiques ou similaires.

Pour être une contrefaçon, cet usage doit être fait « dans la vie des affaires », c’est-à-dire dans un contexte commercial (et non un usage à titre purement privé).

Si tel est le cas, la contrefaçon dépendra ensuite du degré de proximité de l’usage fait avec la marque.

Ainsi, si c’est un signe strictement identique qui est utilisé, pour des produits et services identiques, la contrefaçon est immédiatement caractérisée.

À l’inverse, si le signe utilisé ne fait que ressembler à celui protégé par la marque, ou si les produits et services concernés ne sont que similaires à ceux désignés par la marque, une condition supplémentaire devra être remplie pour qu’il y ait contrefaçon.

Dans ce cas, il sera nécessaire de prouver que cet usage crée un risque de confusion dans l’esprit du public entre le titulaire de la marque et le tiers.

Pour évaluer ce risque de confusion, plusieurs critères devront être pris en compte, notamment le degré de similitude entre les signes (sur les plans visuel, phonétique et conceptuel), la proximité des activités, le niveau d’attention du public (qui sera plus élevé pour des produits ou services coûteux, par exemple) et le caractère vraiment distinctif de la marque.

 

Quelles démarches mettre en place face à une contrefaçon de marque ?

 

Si vous constatez qu’un tiers utilise un signe proche de votre marque, et que vous estimez que cet usage répond aux conditions de la contrefaçon brièvement exposées ci-dessus, plusieurs actions peuvent être mises en place.

Tout d’abord, il est important de s’aménager la preuve de la contrefaçon identifiée. Par exemple, si celle-ci a lieu sur Internet, il peut être utile de faire constater par huissier les adresses Internet sur lesquels les produits sont disponibles, pour éviter une suppression de ces pages une fois un contentieux engagé.

Si vous soupçonnez des actes de contrefaçon provenant de pays étrangers, il est aussi possible de faire une demande d’intervention auprès des douanes pour bloquer les produits identifiés et ainsi pouvoir confirmer ce soupçon.

Une fois les preuves récoltées, une action en justice pourra alors être engagée à l’encontre du contrefacteur, pour le contraindre à cesser ses agissements contrefaisants et pour solliciter l’indemnisation de votre préjudice  (préjudice commercial, dévaluation de votre marque ou de l’image de votre société…).

Un point à garder en tête toutefois avant toute action : si votre marque est déjà enregistrée depuis plus de cinq ans au moment où vous souhaitez agir en contrefaçon, il est indispensable de vérifier avant toute chose que vous exploitez bien votre marque pour les produits et services pour lesquels elle a été déposée.

En effet, si tel n’est pas le cas, le contrefacteur pourrait soulever la déchéance de votre marque pour défaut d’usage sérieux, ce qui pourrait potentiellement entrainer la perte de votre marque !

 

Et si je n’ai pas de marque, puis-je tout de même agir pour protéger mon nom ?

 

Une marque n’est pas le seul droit susceptible de venir protéger un nom. Ainsi, même sans disposer de marque enregistrée, plusieurs autres fondements méritent d’être envisagés si vous avez identifié un concurrent utilisant un nom trop proche du votre :

  • Dénomination sociale : le nom de votre société bénéficie également d’une protection à compter de son immatriculation et il est possible de l’invoquer sous réserve de démontrer un risque de confusion.
  • Nom commercial / Nom de domaine : le nom utilisé à titre de nom commercial par votre société est également protégeable, tout comme le nom de domaine que vous avez réservé pour votre activité en ligne. La protection est toutefois ici plus restreinte que pour une dénomination sociale, puisqu’un nom de domaine ou un nom commercial ne sont protégés que si leur titulaire démontre qu’il en fait une exploitation allant au-delà du local. Il est également nécessaire de démontrer un risque concret de confusion.

Ces autres signes distinctifs, qui ne sont pas des droits de propriété intellectuelle à proprement parler, ne sont pas protégés par une action en contrefaçon mais par une action en concurrence déloyale, fondée sur la responsabilité civile « classique ».

Sur ce même fondement, il est également possible d’agir à l’encontre de tiers qui se placent dans votre sillage (par exemple dans leur communication, dans leurs collections de produits, etc) en leur reprochant des agissements dits parasitaires.

Pour en savoir plus sur la contrefaçon de marque et savoir si vous disposez de moyens d’agir, n’hésitez pas à contacter un avocat en droit des marques !

 

 

 

 

Résolution aux torts partagés : et si on partageait aussi la note ?

avocat contrat informatiqueDans un arrêt rendu le 15 mai 2024 (n°23-13.990), la chambre commerciale de la Cour de cassation effectue deux rappels d’importance concernant les effets qu’emporte la résolution d’un contrat intervenue aux torts partagés des parties.

 

Contexte : une relation client-prestataire relative à une plateforme logicielle qui bugge…

 

Une société intervenant dans le domaine de la comptabilité et des services associés à destination des entreprises, a conclu un contrat avec un prestataire, spécialisée dans le développement d’applications digitales pour les entreprises. Ce contrat prévoyait la mise à disposition de la société contractante, par son prestataire, d’une plate-forme technologique destinée à lui offrir la possibilité de faire bénéficier ses salariés et ses clients d’un comité d’entreprise externalisé.

En raison de retards successifs du prestataire dans l’exécution de sa mission de développement, le client lui a notifié la résolution de leur contrat et a sollicité la restitution des sommes qu’elle lui avait déjà versées.

En réponse, le prestataire l’assignait afin de la voir condamner à exécuter le contrat, tandis que le client assignait également son ancien partenaire pour voir constater la résolution du contrat litigieux.

La cour d’appel de Versailles jugeait que la résolution du contrat, motivée par les torts partagés des parties, ne pouvait donner lieu ni aux restitutions ni à indemnisation.

La cliente s’est donc pourvue en cassation pour obtenir la restitution des sommes avancées pour l’exécution du contrat, et l’indemnisation de son préjudice.

 

Solution : la résolution aux torts partagés d’un contrat informatique n’empêche pas réparation

 

En première intention, la demanderesse estimait que les torts partagés qui justifiaient la résolution du contrat, ne devaient pas faire obstacle aux dispositions de l’article 1229 du Code civil, qui prévoit que : « Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre » (alinéa 3).

La Cour de cassation lui donne raison et affirme sans équivoque que : « l’admission des torts partagés ne fait pas obstacle aux restitutions », sauf à violer l’article 1229 du Code civil.

En pratique, et conformément à une jurisprudence constante, un contractant qui commet une faute conduisant à la résolution du contrat ne perd pas pour autant son droit aux restitutions.

Par ailleurs, le client contestait également l’arrêt de la cour d’appel qui avait rejeté sa demande de dommages et intérêts, au motif que la demanderesse portait une part de responsabilité dans l’échec de l’exécution du contrat. Cette contestation s’appuyait sur l’article 1231-1 du Code civil, lequel prévoit l’attribution de dommages et intérêts en cas de défaillance du débiteur dans l’exécution de ses obligations.

Elle arguait ainsi que « la résolution d’un contrat aux torts partagés ne peut exclure toute indemnisation que si les créances de responsabilité de chacune des parties à l’égard de l’autre sont d’un égal montant et s’éteignent par conséquent par compensation ». Le client estimait que la cour d’appel aurait dû rechercher la gravité des fautes imputées à chacune des parties au contrat, ainsi que la part de responsabilité incombant à chacune d’elle, peu important que la résolution résulte des torts partagés des parties.

Ici encore la Cour de cassation abonde dans son sens et affirme que l’arrêt d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision faute d’avoir « recherch[é] […] la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résolution du contrat eu égard à la gravité des fautes retenues [et] l’importance du préjudice subi par chacune ».

En statuant ainsi, la Cour de cassation applique rigoureusement l’article 1231-1 du Code civil, qui dispose que le débiteur fautif peut être condamné au versement de dommages et intérêts pour l’inexécution de son obligation ou pour un retard dans son exécution, sans distinguer si les prestations sont réciproques ou si l’inexécution résulte de torts partagés.

La résolution prononcée en cas de torts partagés suppose donc, dans un premier temps, de quantifier le préjudice subi par chacune des parties, avant d’évaluer la part de responsabilité de chaque cocontractant dans la résolution du contrat, en fonction de la gravité des fautes établies. Enfin, il convient d’ajuster l’impact de la gravité des fautes au préjudice de chaque partie. Ce n’est que si les montants des dommages et intérêts auxquels chacune des parties peut prétendre s’avèrent équivalents que la compensation jouera, rendant alors inutile toute réparation.

La cour d’appel n’ayant pas procédé à cet examen, sa décision est cassée sans grande surprise.

Vous voulez plus d’information sur le sujet ? Un avocat droit du numérique du cabinet est à votre disposition.

 

 

 

 

Concurrence déloyale en raison de mentions mensongères : c’est celui qui dit qui est

Avocat concurrence déloyale Nantes ParisDans un arrêt du 11 septembre 2024 (n°22/10609), la Cour d’appel de Paris a rendu une nouvelle décision sur des allégations trompeuses apposées sur des produits et concernant un prétendu brevet.

 

Contexte : des accusations mutuelles de comportements déloyaux

 

Le litige opposait deux sociétés commercialisant en France des pastilles de désinfection de l’eau.

L’une d’entre elles s’était vue attribuer un marché public par l’armée française à plusieurs reprises. L’autre lui reprochait de mettre en avant des propriétés mensongères de ses produits (tant en termes de dosage que d’efficacité contre des infections parasitaires).

Une action avait en conséquence été engagée devant le Tribunal de commerce de Paris.

Ce dernier l’ayant déboutée de ses demandes, la société demanderesse a formé appel, donnant lieu à la présente décision.

De manière reconventionnelle, la défenderesse soulevait notamment le fait que la demanderesse mettait en avant sur son site Internet et sur l’emballage de ses produits plusieurs informations qu’elle estimait déloyales.

 

Solution : des informations non trompeuses sur les produits mais sur l’existence prétendue d’un brevet

 

Une démonstration insuffisante de la déloyauté de la défenderesse

 

La société demanderesse reprochait tout d’abord, sur le fondement de pratiques déloyales et trompeuses, aux pastilles de sa concurrente de contenir en réalité un grammage de principe actif supérieur à celui indiqué, ce qu’elle estimait en sus dangereux pour la santé.

La Cour d’appel a toutefois relevé que la demanderesse ne démontrait pas une pratique de sa concurrente contraire à la diligence professionnelle quant à la quantité incriminée de principe actif, notant à cet égard que les rapports invoqués provenaient de son propre fournisseur et fabricant. Elle retient également qu’il n’est pas justifié de la dangerosité de la quantité de principe actif en cause ni de ce que la mention querellée aurait altéré substantiellement le comportement du consommateur concerné, à savoir l’administration des armées, puisque cette dernière ne s’était pas contentée des informations données mais avait analysé des échantillons des produits.

La société en question reprochait également à sa concurrente de mettre en avant une prétendue efficacité de ses pastilles contre des infections parasitaires alors, selon elle, que des études de l’OMS aurait démontré l’inefficacité de l’utilisation des principes actifs en cause contre celles-ci. En défense, une autre étude disant l’inverse était soumise aux débats.

Là encore toutefois, la Cour d’appel a considéré que la demanderesse échouait à démontrer en quoi son grief aurait constitué un manquement à une diligence professionnelle entraînant une altération substantielle du comportement du consommateur. Elle a également souligné qu’il ne lui appartenait pas de trancher les débats scientifiques sur le sujet.

 

La concurrence déloyale retenue à titre reconventionnel pour des allégations trompeuses du demandeur

 

En retour, la société défenderesse soulevait des agissements déloyaux et parasitaires de la part de la demanderesse.

La cour d’appel a tout d’abord considéré que ne caractérisaient pas des manquements mensongers ou des comportements déloyaux l’absence de certains pictogrammes sur les produits (présents sur leur emballage et notice) ni le fait de se prévaloir d’une autorisation obtenue par le Conseil supérieur d’hygiène publique en 1993, même si cet organisme ne délivre plus cette autorisation.

En revanche, est considéré comme déloyal le fait de faire référence, sur son site Internet, à un agrément de la Direction générale de la santé alors qu’il n’existe pas d’autorisation spécifique de cet organisme pour les comprimés en question.

De même, faire mentionner sur la fiche technique de ses produits « formule brevetée », sans justifier ni alléguer être détenteur ou licencié d’un brevet pour ledit produit, est considéré comme fautif, car une telle mention est un gage indu d’innovation et d’efficacité (cette solution est classique, et la cour d’appel de Paris avait déjà statué dans le même sens en 2022).

La Cour d’appel rappelle également que se prévaloir indument de la qualité de propriétaire d’un brevet peut donner lieu au paiement d’une amende spécifique prévue par le code de la propriété intellectuelle.

C’est donc finalement la demanderesse qui se voit condamnée à un retrait des produits portant les mentions incriminées et à un ajustement de son site Internet, sans toutefois devoir verser d’indemnité.

En résumé, il est déloyal de se prévaloir d’un brevet inexistant, puisque cela revient à tromper les consommateurs sur le caractère innovant de son produit.

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La marque LE CHAI pour des caves à vin jugée distinctive !

Avocat droit des marques NantesDans un arrêt récent du 7 juin 2024, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la question de savoir si la marque « LE CHAI » était distinctive pour désigner des « caves à vin réfrigérées ». 

 

Contexte : litige sur la distinctivité de la marque « LE CHAI » pour désigner des caves à vin

 

Dans cette affaire, la société SIDEME, spécialisée notamment dans la vente de caves de service, de conservation et de vieillissement du vin, a déposé le 17 septembre 2013 une marque verbale « LE CHAI » pour désigner les produits suivants en classe 11 : « caves à vin réfrigérées ».

Estimant que cette marque était dépourvue de caractère distinctif pour les produits visés, la société ADEVA, sa concurrente, a engagé une procédure en nullité à l’encontre de la marque « LE CHAI » devant l’INPI.

Par une décision du 20 février 2023, le directeur général de l’INPI n’a pas fait droit à ses demandes et a rejeté cette demande en nullité.

La société ADEVA a formé un recours à l’encontre de cette décision.

 

Solution : le terme « LE CHAI » jugé distinctif pour des caves à vin  

 

Le rappel de la notion de distinctivité comme condition de la protection par le droit des marques

 

Pour rappel, un signe, pour bénéficier de la protection offerte par le droit des marques, doit être d’une part disponible et d’autre part distinctif pour les produits et services qu’il vise. Cette notion de « distinctivité » signifie que la marque doit permettre aux consommateurs d’identifier l’origine des produits et services proposés et de les distinguer de ceux d’autres entreprises. La marque doit ainsi remplir un rôle de ralliement de clientèle. Le signe qui la compose ne doit donc pas être « descriptif » du produit ou du service, c’est-à-dire ne pas être la désignation « nécessaire, générique ou usuelle » de celui-ci ou du secteur d’activité, dans le langage courant ou professionnel.

En l’espèce, la société ADEVA soutenait que la marque « LE CHAI » était descriptive pour des caves à vin et ne remplissait en conséquence pas la fonction essentielle d’une marque, aux motifs que le terme « chai » désigne le lieu de la vinification et de la conservation du vin et qu’il a donc la « même nature et la même fonction » que les caves à vin, qui sont des lieux d’entreposage et de conservation du vin.

Selon elle, ce terme, relevant du vocabulaire courant de la viniculture et étant destiné à être compris par les amateurs de vin et les professionnels du monde du vin, était donc absolument descriptif des produits visés dans le dépôt.

Ce n’est pourtant pas la position retenue par les juges dans ce cas précis.

 

L’interprétation large de la distinctivité par les juges en l’espèce

 

En l’espèce, la Cour compare les définitions des termes « chai » et « caves à vin réfrigérées » pour déterminer si les deux termes revêtent effectivement la même définition. Elle en déduit que le terme « chai » désigne le lieu de la vinification et de la conservation du vin, de la prise en charge de la récolte de raisin jusqu’à la mise en bouteille, alors que les « caves à vin réfrigérées » désignent des objets relevant de la catégorie des appareils électroménagers dans lesquels sont entreposées les bouteilles pour leur conservation.

Elle conclut que si ces termes sont tous deux issus du monde du vin, ils ne désignent pour autant pas les mêmes produits et « ne partagent ni la même nature ni la même fonction ».

En conséquence, la Cour d’appel retient que le signe « LE CHAI » est distinctif pour désigner des caves à vin et confirme la décision du directeur général de l’INPI en ce qu’elle a rejeté la demande en nullité.

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Droit d’auteur et jeux vidéo dématérialisés : game over pour l’épuisement des droits

Avocat droit d'auteur Nantes Dans un arrêt du 23 octobre 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’application ou non de la règle de l’épuisement des droits de propriété intellectuelle aux jeux vidéo distribués uniquement sous forme dématérialisée.

 

Contexte : le combat d’une association de consommateurs contre les conditions d’utilisation de la plateforme Steam

 

Une société américaine propose, via la plateforme Steam, un service de distribution de contenus numériques, dont des jeux vidéo téléchargeables sur les ordinateurs des utilisateurs. Avant tout téléchargement, ces derniers doivent accepter un « Accord de souscription Steam » prévoyant notamment l’interdiction de la revente des contenus et le transfert de comptes Steam.

Une association de consommateurs (UFC – Que choisir) a formé une action en justice contre la société américaine (et sa filiale luxembourgeoise), considérant que cette clause devait être considérée comme abusive et lui reprochait de caractériser une restriction à l’épuisement des droits de propriété intellectuelle sur le contenu.

Le Tribunal judiciaire de Paris, en 2019, avait considéré qu’un certain nombre de clauses de ce contrat devaient être considérées comme abusives et/ou illicites, et donc être réputées non-écrites. En appel, la Cour d’appel de Paris avait considéré, en 2022, que les jeux vidéo n’étant pas de simples logiciels, le régime à appliquer n’était pas celui spécifique aux logiciels mais le régime général du droit d’auteur. Elle avait en conséquence rejeté la demande de question préjudicielle à la CJUE de l’association de consommateurs et tranché directement la question.

Cette dernière a donc formé un pourvoi en cassation.

 

Solution : pas d’épuisement du droit de distribution sur un jeu vidéo sans support physique

 

L’inapplicabilité du régime spécifique des logiciels aux jeux vidéo

 

Pour mémoire, dès lors que la première vente d’un ou des exemplaires matériels d’une œuvre a été autorisée par l’auteur ou ses ayants droit sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’EEE, la revente des exemplaires ne peut plus être interdite sur ces territoires.

Toutefois, l’épuisement des droits diffère selon la nature de l’objet en question :

  • Pour une œuvre logicielle, il existe un épuisement dès lors que le titulaire de droits a autorisé, même gratuitement, le téléchargement d’une copie dématérialisée du logiciel : il ne peut alors plus empêcher la circulation de cette copie.
  • Pour toute autre œuvre, la jurisprudence de l’Union Européenne a déjà considéré (à propos des livres numériques) que l’épuisement ne s’applique pas aux œuvres mises sur le marché de manière dématérialisée : une copie dématérialisée ne peut alors pas être revendue sans l’autorisation du titulaire.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’association de consommateurs.

En effet, les jeux vidéo ne sont, selon elle, pas uniquement des logiciels mais constituent un « matériel complexe » comprenant non seulement un programme d’ordinateur mais également des éléments graphiques et sonores qui ont « une valeur créatrice propre qui ne saurait être réduite au simple encodage ». Ainsi le régime spécial issu de la directive 2009/24 applicable aux seuls logiciels est ici sans effet.

 

L’application du régime général du droit d’auteur aux jeux vidéo

 

Selon la Cour de cassation, le jeu vidéo n’étant pas uniquement un logiciel à proprement parler et le régime issu de la directive 2009/24/CE étant une loi spéciale, c’est le régime général issu de la directive 2001/29 qui s’applique, d’autant que « à la différence d’un programme d’ordinateur destiné à être utilisé jusqu’à son obsolescence, le jeu vidéo se retrouve rapidement sur le marché une fois la partie terminée et peut, contrairement au logiciel, être encore utilisé par de nouveaux joueurs plusieurs années après sa création ».

La règle de l’épuisement ne s’appliquant pas aux œuvre mises sur le marché de manière dématérialisée, elle ne concerne donc pas les jeux vidéo dématérialisés. Ainsi, en l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne, il n’y avait pas lieu de saisir la CJUE de la question préjudicielle de l’association de consommateur.

Vous souhaitez en savoir plus? Un avocat en droit d’auteur du cabinet SOLVOXIA se tient à votre disposition.