Pas de marque pour un bruit de moteur : circulez y’a rien à voir

 

Avocat droit des marques NantesDans une décision du 20 juin 2024 (R 1900/2023), la chambre de recours de l’EUIPO a dû examiner si le son d’un moteur de voiture pouvait être enregistré en tant que marque.

 

Contexte : le dépôt à titre de marque du son d’une accélération de véhicule

 

La société PORSCHE avait sollicité, fin 2022, l’enregistrement en tant que marque sonore de l’Union Européenne d’un son artificiel reprenant le bruit d’un moteur de voiture accélérant (la sonorité en question étant relativement spécifique).

En août 2023, l’examinateur européen avait rejeté cette demande, estimant que le signe sonore n’était pas distinctif.

En effet, pour pouvoir être enregistré en tant que marque, un signe (qu’il soit visuel, verbal ou comme ici sonore) doit être distinctif, c’est-à-dire que le consommateur le comprendra comme une indication de l’origine des produits et services visés par cette marque.

En d’autres termes, la question posée à la chambre de recours, saisie par PORSCHE qui contestait la décision de l’examinatrice, était la suivante : est-ce qu’un consommateur qui entendra ce son sera susceptible de l’associer à la célèbre entreprise automobile allemande ?

 

Solution : le rejet de la marque par l’office européen

 

1/ La distinctivité toujours compliquée d’un signe sonore

 

La chambre de recours rappelle dans un premier temps que les critères d’appréciation de la distinctivité d’une marque sont les mêmes quelle que soit la forme de cette marque : il faut que le public perçoive le signe comme une indication de l’origine des produits et services.

Faute d’atteindre cette distinctivité, une marque ne peut en principe pas être enregistrée (en droit français, cette règle est prévue à l’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle).

Elle précise toutefois ensuite que ce caractère distinctif est plus difficile à établir pour certaines catégories de signes, car le public a moins l’habitude d’associer un son à une société que par exemple un nom ou un logo.

Les signes sonores doivent dès lors nécessairement, pour être protégés, disposer d’une certaine forme de résonnance qui permettra au consommateur de les reconnaître et de les comprendre comme une marque.

De telles conditions, classiques et désormais clairement établies par la jurisprudence européenne, conduisent néanmoins à complexifier fortement le dépôt des marques sonores, dont le présent cas est un bon exemple.

 

2/ L’absence de distinctivité du son confirmé

 

La chambre de recours relève tout d’abord, comme l’examinateur, que la séquence sonore représente une caractéristique typique des véhicules, à savoir le son d’une accélération.

Elle considère donc que ce signe est globalement simple et banal et sera perçu par le public comme une caractéristique typique des véhicules, à savoir l’accélération ou « l’amélioration de leurs performances jusqu’à ce qu’ils atteignent la vitesse de voyage souhaitée ».

Elle n’est par ailleurs pas sensible à l’argument de PORSCHE selon lequel les voitures électriques ne comportant pas de bruit de moteur, la marque serait de fait distinctive : elle estime que le fait que le son ne soit pas celui d’un véritable moteur, mais une création artificielle, ne remets pas en cause le fait qu’il reproduise une accélération et qu’il soit compris comme tel.

La chambre de recours confirme donc le rejet de l’enregistrement de la marque sonore, pour défaut de distinctivité.

 

En résumé, cette décision illustre une nouvelle fois à quel point l’enregistrement d’une marque sonore est compliqué et remet en cause la volonté des constructeurs automobiles de se forger une « sonorité de marque » en créant des sons spécifiques pour leurs moteurs électriques.

 

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Après l’heure, c’est plus l’heure : retour sur un cas de prescription dans le cadre d’un litige en informatique

avocat contrat informatique   Dans un arrêt du 18 mars 2024 (RG n° 22/06676), la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la question de savoir à partir de quand le délai pour agir commence à courir en matière de contentieux informatique.

 

Contexte : une action tardive en responsabilité contre un prestataire informatique

 

Dans cette affaire, une société avait conclu en janvier 2014 un contrat de prestation de services avec un prestaire informatique portant sur un système de gestion électronique de documents.

Constatant de nombreux dysfonctionnements dès la mise en place du logiciel en janvier 2014 et étant dans l’impossibilité de l’exploiter normalement, elle a dénoncé le contrat puis assigné en octobre 2019 son prestataire informatique devant le Tribunal de commerce de Créteil. Celui-ci a appelé en garantie la société ayant élaboré le logiciel litigieux, en mars 2020.

Par un jugement du 15 février 2022, le Tribunal de commerce de Créteil a fait droit aux demandes de la société requérante et a condamné le prestataire informatique au paiement de 40 000 euros de dommages et intérêts et l’éditeur du logiciel à le garantir de toute condamnation.

Contestant le jugement en invoquant la prescription de l’action, un appel est interjeté et l’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Paris pour trancher cette question.

 

Solution  : le délai de prescription court à compter de la connaissance des dysfonctionnements, même persistants dans le temps

 

Les juges d’appel rappellent tout d’abord les dispositions du Code de commerce et du Code civil en matière de prescription, aux termes desquelles il ressort que les actions se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Dans le cas d’espèce, l’intimée avait constaté les dysfonctionnements dès l’installation de la solution logicielle en janvier 2014 mais n’avait agi à l’encontre de son prestataire informatique, sur le terrain contractuel, qu’à compter d’octobre 2019, et à l’encontre de l’éditeur du logiciel, sur le terrain délictuel, qu’à compter de janvier 2021.

Contrairement aux juges de première instance qui avaient considéré l’action non prescrite au motif que les dysfonctionnements avaient persisté dans le temps au-delà du moment de leur découverte, la Cour d’appel de Paris rappelle qu’en présence d’un dysfonctionnement persistant, le point de départ du délai de prescription se situe au moment où l’intéressé en a eu connaissance.

Ainsi, le point de départ de la prescription dans cette affaire se situait au mois de janvier 2014, l’action étant donc prescrite vis-à-vis des deux parties adverses. La Cour d’appel infirme donc le jugement déféré.

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Reprise d’éléments graphiques d’un concurrent s’inscrivant dans les tendances du marché : pas de concurrence déloyale et parasitaire

Avocat concurrence déloyale Nantes ParisDans un arrêt du 20 mars 2024, la Cour d’Appel de Riom s’est prononcée sur l’existence d’actes de concurrence déloyale et parasitaire invoqués à l’encontre d’un concurrent reprenant des éléments graphiques relevant des tendances du marché.

 

Contexte : une action en concurrence déloyale et parasitaire

 

Une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits de puériculture considérait notamment que les éléments graphiques de plusieurs de ses produits étaient systématiquement repris par un concurrent (assemblages de couleurs, de style graphique des emballages, etc.), notamment s’agissant de son fameux produit « Babycook », peu de temps après leur sortie.

Selon la société, ces nombreuses reprises créaient un risque de confusion pour le consommateur et témoignait d’une immixtion volontaire du concurrent dans son sillage économique, en vue de profiter de ses investissements sans bourse délier.

Après s’être vue déboutée de l’intégralité de ses demandes par le Tribunal de Commerce de Clermont-Ferrand, la société a fait appel de la décision devant la Cour d’appel de Riom.

 

Solution : la reprise d’éléments esthétiques communément utilisés dans un secteur économique ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ou parasitaire

 

La reprise d’éléments esthétiques doit être fautive pour être qualifiée de déloyale

 

Pour mémoire, en matière de concurrence déloyale, ni l’imitation, ni la reproduction servile ne suffisent à engager la responsabilité civile de son auteur. Il est nécessaire de démontrer une reproduction fautive souvent caractérisée par la création d’un risque de confusion pour le consommateur ou alors une copie avec la volonté de se placer dans le sillage du parasité et bénéficier de sa notoriété.

Selon la société appelante, plusieurs éléments graphiques de ses produits étaient copiés et, notamment, la combinaison des trois couleurs bleu nuit, cuivre et rose poudré pour son fameux « Babycook ». La combinaison des trois couleurs aurait selon elle été suffisamment connue du public, au regard de sa notoriété, de sorte que le consommateur associerait cette combinaison à ses produits. La reprise ferait donc naître un risque de confusion pour ce dernier.

Pour les juges de la Cour d’appel de Riom, l’assemblage du bleu et du rose avec une couleur plus neutre comme le cuivre, s’inscrivait dans une tendance de marché visant à offrir des produits non genrés. L’assemblage « est le reflet d’une tendance commune au moment de la conception des produits litigieux ». En conséquence, cet assemblage de couleur ne paraissait pas dicté par le souhait d’imiter le concurrent, mais davantage par celui de coller aux tendances du marché. La seule reprise des couleurs ne justifiait donc pas à elle seule un risque de confusion.

La Cour a également noté qu’en outre le design des produits était très différent et que le « Babybook » était proposé dans d’autres coloris de sorte que l’assemblage de couleurs ne pouvait être perçu comme renvoyant à la marque de l’appelante.

Le même raisonnement a été retenu pour l’emballage des produits au graphisme rappelant l’origami, d’autant que sur tous ces sujets, l’intimée démontrait avoir nourri un travail de réflexion avant la sortie du produit en cause.

Les griefs concernant les autres produits ont pareillement été rejetés.

 

Pas d’appréciation globale des faits reprochés pour démontrer des actes de parasitisme

 

Pour démontrer le comportement parasitaire de sa concurrente, la société appelante affirmait que les juges devaient apprécier l’ensemble des reprises dans leur globalité pour considérer l’existence d’un tel comportement et ne pas procéder grief par grief isolément.

Selon les juges cependant, « il ne suffit pas d’affirmer qu’il est nécessaire d’apprécier les faits de manière globale pour considérer que la démonstration d’actes de parasitisme serait établie ». Doit être démontré le caractère fautif de chacune des imitations reprochées, ce qui implique un développement point par point.

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La validité d’un brevet européen sur le fil ?

Avocat droit des brevetsPar une décision du 30 mai 2024 (n°22/10947), le Tribunal judiciaire de Paris s’est prononcé sur la validité d’un brevet portant sur un appareil de mise en portion et de découpe de saucisses.

 

Contexte : L’action en contrefaçon sur la base d’un brevet européen portant sur une machine de mise en portion et de découpe de saucisses

 

Dans cette affaire, une société disposait d’un brevet européen désignant la France, sous priorité d’un dépôt français, sur un appareil de mise en portion et de découpe de saucisses, délivré le 28 novembre 2018 par l’Office Européen des Brevets.

Cette dernière, constatant que des concurrentes commercialisaient une machine semblable reprenant des caractéristiques de son brevet, les a mises en demeure de cesser toute fabrication et commercialisation de cette machine, sans succès.

Après avoir procédé à des saisies-contrefaçon, la demanderesse a finalement assigné les sociétés en cause pour contrefaçon devant le Tribunal judiciaire de Paris.

 

Solution : La nullité de la partie française du brevet européen pour défaut de nouveauté

 

  • La demande reconventionnelle en nullité

 

Devant le Tribunal judiciaire de Paris, les sociétés assignées soulevaient la nullité du brevet pour défaut de nouveauté.

Cette demande a été accueillie par le Tribunal qui a annulé la partie française du brevet européen pour défaut de nouveauté. En effet, l’ensemble des caractéristiques du brevet avait été divulgué par la société titulaire avant la date de dépôt de la demande de brevet prioritaire. L’objet du brevet n’était donc pas brevetable au sens du Code de la propriété intellectuelle puisque l’invention doit être nouvelle pour bénéficier de cette protection, en ce sens qu’elle ne doit pas avoir été divulguée au public.

 

  • Défaut de nouveauté en raison de la divulgation par le titulaire du brevet

 

Selon le Tribunal judiciaire de Paris, il était établi que la machine, présentée dans le laboratoire boucherie d’un hypermarché et mise gratuitement, à l’issue des essais, à disposition de ce magasin, était celle sur laquelle portait brevet, peu important le fait qu’au début celle-ci nécessitait encore des essais et n’était pas dans son état définitif.

Par ailleurs, la machine avait été montrée à au moins deux personnes – le responsable du rayon boucherie et le directeur du magasin – dont il n’était pas établi qu’elles étaient tenues à une obligation de confidentialité. Celle-ci, d’interprétation stricte, ne peut résulter que d’un engagement exprès et ne saurait résulter implicitement du fait que la machine était un prototype.

Enfin, la machine était accessible au personnel du magasin, mais également aux différents fournisseurs de matériels qui s’étaient sont présentés dans l’atelier boucherie pour proposer leurs machines.

Par conséquent, les essais du prototype dans le laboratoire du magasin ont été considéré par le Tribunal comme des essais publics, constitutifs d’une divulgation anéantissant le caractère nouveau de l’invention.

En résumé, lorsque vous êtes à l’origine d’une invention brevetable, veillez absolument à la garder confidentielle jusqu’à son dépôt. A défaut, votre brevet sera potentiellement nul pour absence de caractère nouveau.

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Preuve de l’originalité d’un logiciel : les codes sources sont nécessaires !

Avocat droit d'auteur Nantes     Dans un jugement du 27 juin 2024, le Tribunal Judiciaire de Paris s’est prononcé sur les conditions de démonstration de l’originalité d’un logiciel

 

Contexte : une action en contrefaçon de logiciel

 

Une société éditait et distribuait une solution informatique complète de gestion d’officines de pharmacie.

Elle avait signé un contrat de prestation informatique avec une autre société partenaire aux termes duquel cette dernière était autorisée à utiliser son logiciel installé chez des pharmaciens pour extraire et structurer les données des officines, en contrepartie du paiement d’une redevance mensuelle.

Quelques années plus tard, l’éditeur du logiciel pour officines était contacté par plusieurs de ses clients à la suite d’un message d’erreur apparaissant sur le serveur du logiciel et elle a constaté que plusieurs programmes anormaux du logiciel avaient été exécutés et avaient générés des flux anormaux. Parallèlement, le partenaire précité lui faisait parvenir une demande de désactivation de certaines des pharmacies couvertes par le contrat signés entre les parties. Par la suite, le partenaire a lancé son propre logiciel.

Après avoir pratiqué plusieurs saisies contrefaçon, l’éditeur a assigné son ancien partenaire devant le Tribunal Judiciaire de Paris en contrefaçon de son logiciel et en concurrence déloyale et parasitaire pour l’avoir utilisé sans autorisation.

 

Solution : la preuve de l’originalité du logiciel non rapportée faute de communication des sources

 

Sans code source, l’originalité d’un logiciel ne peut être appréciée

 

Pour mémoire, un logiciel n’est protégeable que sous réserve son originalité soit démontrée. Pour démontrer le respect de la condition d’originalité nécessaire au bon succès de l’action en contrefaçon de son logiciel, le demandeur produisait un rapport d’expertise ne contenant pas l’intégralité du code source de son logiciel mais seulement trois extraits.

Selon le Tribunal Judiciaire de Paris les conclusions de l’expert « apparaissent d’une faible valeur probante » en ce qu’il n’a pas pu se voir communiquer l’intégralité du code source. En effet, ce dernier s’était vu communiquer seulement trois extraits du code source du logiciel.

L’originalité d’une œuvre s’apprécie au regard de l’œuvre dans son ensemble afin d’apprécier l’existence d’un effort personnalisé allant au-delà « d’une logique automatique et contraignante ». Ainsi, en l’absence de communication de l’intégralité du code source et en présence seulement d’extraits choisis (minutieusement) par la demanderesse, le Tribunal Judiciaire de Paris n’a pas pu apprécier l’originalité du logiciel.

La demande fondée sur la contrefaçon de logiciel a donc été rejetée.

 

Le secret ne peut justifier l’absence de communication intégrale du code source

 

C’est dans l’objectif de conserver secret son code source que le demandeur soutenait avoir délibérément communiqué seulement trois extraits à l’expert dont les conclusions allaient, selon elle, permettre de démontrer l’originalité de son logiciel.

Le Tribunal Judiciaire de Paris précise cependant qu’il lui appartenait d’aménager la communication du code source ou de ses extraits au cours de la procédure, le cas échéant en saisissant le juge de la mise en état d’un incident.

Cette décision confirme une nouvelle fois que la preuve de l’originalité d’un logiciel n’est pas une mince affaire (cf. notamment en ce sens un arrêt de CA de Nancy du 5 février 2024 ayant également conclu au défaut d’originalité).

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